mercredi

Torchons et serviettes : l'imagination débordante du MLD

Suite à mon article du 12 octobre dernier, celui que le député fédéral Laurent Louis avait qualifié de « torchon », le parti MLD a souhaité réagir aux critiques adressées à sa proposition de création d’une banque sociale. La réaction du MLD est à lire ici.

Tout comme la proposition, j’ai lu cette réaction à plusieurs reprises. Tout d’abord, je remercie le parti MLD d’avoir pris le temps de rédiger cette réponse, discrètement communiquée sur Twitter. Et je me félicite de constater que la plupart de mes critiques adressées à la proposition du MLD n’appellent aucun commentaire de sa part. En les passant sous silence dans sa réponse, le parti reconnaît donc implicitement les nombreuses incohérences et erreurs relevées par mes soins. Rappelons-en quelques unes :

- l’idée d’octroyer une garantie d’Etat à des organismes prêteurs alors que celle-ci n’a de sens que pour les emprunteurs, qui démontre une profonde ignorance des principes les plus élémentaires de l’économie et la confusion entre « prêteur » et « emprunteur » ;
- l’idée saugrenue de créer de la dette pour résorber… la dette ;
- l’inutilité et la contre-productivité d’une garantie bancaire sur un organe public ;
- la méconnaissance totale des organes de contrôle des services bancaires et de protection des épargnants actuellement en vigueur aux niveaux belge et européen ;
- l’erreur intellectuelle qui consiste à considérer que les taux pratiqués par les banques ont provoqué la crise actuelle ;
- la proposition d’une taxe bancaire en Belgique alors que celle-ci existe déjà ;
- le grave danger que courraient des centaines de milliers d’épargnants et d’investisseurs si, comme le prône le MLD, on refusait d’imposer des mesures de bonne conduite aux banques commerciales ;
- et bien d'autres à (re)découvrir dans l'article complet.

Si je me réjouis de trouver un écho positif sur ces différents points – comment pourrait-il en être autrement tant les erreurs étaient grossières ? – je suis néanmoins assez surpris du contenu de ce document. Ainsi, je m’étonne de me voir attribuer des propos que je n’ai jamais tenus. Je cite :

« De même, pour cette personne, les banques de type Keytrade, DB et Triodos sont accessibles à tout le monde, sans problème mais nous savons tous que ce n’est pas le cas ! »

J’ai beau relire mon article dans tous les sens, je ne vois pas où j’ai tenu de tels propos. Je n’y cite d’ailleurs aucun de ces établissements nommément. Le contraire aurait été étonnant puisque faire la publicité pour l’une ou l’autre enseigne me placerait dans une situation de conflit d’intérêts. Néanmoins, je persiste à dire qu’il existe en Belgique des banques qui disposent d’un réseau d’agences étendu et qui sont ouvertes à l’ensemble des clients, riches ou pas. Il suffit de faire un tour du marché pour s’en rendre compte.

Plus loin, je lis que le parti MLD m’invite à me livrer à :

« une petite expérience et essayer d’ouvrir un compte ‘service de base’ dans une grande banque, ou mieux encore, d’essayer d’obtenir une garantie locative de reconstitution (Loi du 25/04/2007) »

Le parti me souhaite au passage « beaucoup de courage ».

Encore une fois, j’ai du mal à comprendre en quoi cette invitation m’est adressée, puisqu’elle ne réfère en rien au contenu de mon article. J’ai bien précisé que les banques proposaient déjà le service de base, puisqu’elles y sont obligées légalement. Néanmoins, les chiffres avancés par le parti MLD dans sa réponse (« 100.000 habitants en Belgique qui sont exclus des banques ») ne correspondent pas à une étude réalisée en 2008 par le Réseau pour le Financement Alternatif qui estime qu’entre 2001 et 2005, le nombre d’exclus des services bancaires en Belgique est passé de 40.000 à 10.000. Entre 100.000 et 10.000, il n’y a qu’un zéro, mais quand même. Les chiffres avancés par le MLD font en réalité référence à un tableau publié par le Réseau européen de la Microfinance sur la base d'un sondage réalisé pour l'Eurobaromètre de 2003. Ce tableau, qui ne tient pas compte des décimales et s'appuie sur un sondage, arrondit les chiffres pour la Belgique à 1% de la population, soit la valeur minimale prévue à cet effet. Le chiffres du Réseau pour le Financement Alternatif sont non seulement plus précis, mais également plus récents.

Quant à la garantie locative de reconstitution, je n’y ai jamais fait la moindre allusion.

La réponse du MLD se poursuit sur une démonstration de l’utilité des micro-crédits, à laquelle je ne peux qu’adhérer puisque je ne m’y suis jamais opposé. J’ai simplement rappelé que des structures de micro-crédit existaient déjà en Belgique. Dans sa réponse, le MLD ajoute qu’il souhaiterait les réunir au sein d’une seule et même entité. Laissons aux principaux établissements concernés le soin de juger la pertinence de cette proposition.

Pour en terminer avec les propos que je n’ai pas tenus, le MLD rappelle que :

« Enfin, dire de l’Etat belge qu’il ne doit pas jouer le rôle de banquier est faux car il le joue déjà et ce depuis longtemps. »

Ici encore, je m’amuse de la lecture très imaginative que le MLD a faite de mon article. Je ne vois toujours pas où j’aurais pu écrire une telle grossièreté. Je me réfère d’ailleurs au 2e paragraphe de la page 3 de mon article, version pdf : « L’idée de la banque publique en soi n’est pas mauvaise, par contre l’argumentation (…) prête à sourire. » En page 6 du même document, je répète dans le 2e paragraphe : « Ne nous méprenons pas : à la base l’idée d’une banque publique est loin d’être farfelue. C’est un concept qui mérite un débat, tant les arguments sont nombreux. » Inventer des arguments pour trouver des contre-arguments, la technique est originale mais apparemment coutumière au sein du MLD.

Le reste de la réponse du MLD consiste en une démonstration de faits présentés comme avérés et censés me convaincre de l’utilité d’une banque publique, alors qu’encore une fois, je n’ai jamais remis en cause l’idée de départ. Je persiste par contre à rappeler que si une banque sociale devait être érigée selon la proposition du MLD, celle-ci serait rapidement confrontée à de nombreuses difficultés tant théoriques que pratiques quant à son mode de financement, son mécanisme de garantie ou encore sa position concurrentielle. En outre, d’autres aspects connexes de la proposition du MLD (l’abandon des mesures de protection des consommateurs dans les banques privées, par exemple) plongeraient une grande partie des épargnants et des investisseurs belges dans de profondes incertitudes quant au devenir de leurs économies, amenant ainsi encore un peu plus d’instabilité dans un système financier déjà au bord du gouffre. Quant aux points soulevés par la réponse du MLD (« confusion entre banque publique et banque privée », « confusion entre crédit et crédit facile »), j’invite l’auteur à relire attentivement, et à la lumière des nombreux enseignements qu’il a pu en tirer, ce qu’il a cru bon de comparer à un torchon.

Là où je m’amuse un peu moins, c’est lorsque j’apprends en fin de réponse que le parti MLD me dépeint en ces mots :

« Monsieur WANTIER n’a aucune connaissance de la réalité vécue par de nombreux de ses concitoyens. Cet individu doit assurément disposer de moyens importants ou doit-il être client d’une grande banque, faisant ses transactions par internet uniquement. »

Cette affabulation sans fondement sur ma situation sociale et financière ne mérite en réalité aucun commentaire sur son contenu. Au mieux, mes proches et mon banquier s’en esclafferont. Mais sur la forme, elle rappelle des pratiques douteuses et détestables qu’on croyait révolues chez nous depuis plus d’un demi-siècle : celles qui consistent, lorsqu’on est à court d’arguments pour balayer une critique, à essayer de salir celui qui la profère. On croirait lire du Berlusconi dans le texte. La technique n’est pas récente et n’a certainement pas été inventée par le MLD, même s’il en use à tort et à travers en espérant détourner l'attention de ses propres errements. Il s’agit de tenter de jeter le discrédit sur ceux qui osent critiquer (experts, journalistes, citoyens, adversaires politiques) qui se trouveraient, de par leur « statut » présumé (mais jamais avéré), bien loin des préoccupations des petites gens. A ceux-là, on oppose le noble représentant de l’intérêt public qui, lui, connaît mieux que tout le monde les préoccupations du terrain. Certains appellent ça du populisme, mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans un prochain article.

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